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Abbé GAGEY
Catéchisme du Concile de Trente
• Traduction nouvelle avec le texte en regard enrichie de notes considérables
• Par M. l’abbé GAGEY, aumônier du Lycée de Dijon • Popelain et Cie, libraires-éditeurs, Dijon - 1854 NOTE de l’Abbé GAGEY : Tome I, note 7, pages 212 et suivantes. 157 Les mots d’unité, de sainteté, de catholicité ou d’universalité ne se lisent nulle part en caractère aussi nets et aussi éclatants que sur le frontispice de l’Église romaine, qui est l’Église de Dieu. 157 À côté de ces trois mots on en lit un quatrième qui comme les autres, lui appartient en propre, qui n’a point ailleurs sa véritable place, et que nulle religion rivale ne saurait lui contester avec la moindre apparence de droit : c’est celui de l’apostolicité. Ces mots composent à eux quatre, la grande et sublime enseigne qui mettra toujours l’homme attentif et de bonne foi en état de distinguer, pendant son voyage sur la route de cette vie, l’Église véritable de toutes celles qui n’en sont que les menteuses copies. Jamais la sagesse de Dieu n’a permis que les fonctions sacerdotales fussent confiées à tous les hommes indistinctement, et sans choix. Durant toutes les époques, la religion a toujours prescrit sur ce point certaines conditions à remplir, et certaines règles claires et précises à observer. S’il en avait été autrement, les prétentions de chacun se trouvant élevées au même niveau et n’ayant point de motif de céder et de plier les unes devant les autres, n’auraient pas manqué de susciter entre elles une interminable lutte, et bientôt le désordre et la confusion la plus compète se serait glissée dans ce que les ministères d’ici-bas ont de plus auguste et de plus saint. Aussi voyez ce qui était ordonné par la loi de Moïse : pour être, sous l’empire de cette loi, préposé à la garde des oracles divins et avoir le droit d’offrir les sacrifices, en d’autres termes, pour faire partie du corps ecclésiastique d’alors, quel titre devait-on présenter ? Suffisait-il de descendre indifféremment de l’un ou de l’autre des douze enfants de Jacob ? Point du tout. Les plus grands talents et les mérites les mieux constatés n’élevaient eux-mêmes personne au sacerdoce. On ne serait couvert de tous les genres de gloire, on aurait été guerrier comme Josué, sage comme la jeunesse de Salomon, prophète comme Isaïe, que toutes ces illustrations réunies, si elles avaient été seules, seraient demeurées impuissantes à ouvrir les rangs de la milice sacrée. Ce qu’il fallait avant tout, c’était d’appartenir à la famille d’Aaron et à la tribu de Lévi. Sans cette qualité point de ministère ecclésiastique pour personne. Ainsi c’était à la naissance que Dieu avait abandonnée le soin de lui donner des prêtres dans l’ancien Testament. De telle sorte que quiconque pouvait établir sa descendance d’Aaron, était admis dans la classe sacerdotale, comme aussi quiconque ne le pouvait pas, en était exclus pour jamais. À la venue de Jésus-Christ le plan de Dieu se modifia. Mais ne nous y trompons pas ; si pour être prêtre de la loi ancienne il fallait absolument descendre du chef du sacerdoce ancien, il n’est pas moins indispensable, pour être prêtre et pontife de la loi nouvelle, de descendre des chefs du sacerdoce nouveau. A la vérité les deux filiations sont de nature différente ; tandis que la première est matérielle et physique, la seconde est spirituelle et morale ; mais elles sont toutes deux, également nécessaires et également réelles. 157 En effet, quels sont les chefs du sacerdoce nouveau ? Assurément s’il est quelque chose d’incontestable, c’est que ce sont les apôtres eux-mêmes. Suivez Jésus-Christ dans la collation des fonctions sacerdotales. Chaque fois qu’il en confère une, à qui s’adresse-t-il ? Soit qu’il envoie enseigner et baptiser les nations ; soit qu’il ordonne de perpétuer sur la terre le sacrifice et le sacrement de son corps et de son sang ; soit qu’il communique la puissance de lier ou de délier, de remettre ou de retenir les pêchés, entre les mains de qui dépose-t-il tous ses pouvoirs ? Toujours entre les mains des seuls apôtres. C’est à eux seuls qu’il dit dans la dernière cène : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang. Toutes les fois que vous le boirez, faites-le en mémoire de moi. C’est à eux seuls aussi qu’il dit plus tard : Allez, enseignez et baptisez toutes les nations ; à eux seuls encore : Recevez le Saint-Esprit ; les pêchés que vous remettrez, seront remis, et ceux que vous retiendrez, seront retenus. Il est donc certain que les apôtres ont été, les premiers, revêtus de tous les ministères dont se compose le nouvel ordre religieux que Jésus-Christ venait fonder. Mais ces privilèges seront-ils leur propriété exclusive ? Ne devront-ils point passer à d’autres ? Seront-ils condamnés à disparaître et à périr avec ceux qui les ont reçus de la main du fils de Dieu ? Point du tout. La religion de Jésus-Christ n’est pas une religion éphémère ; elle doit durer autant que le monde. Par conséquent les fonctions qui en sont la base et le soutien nécessaire, et sans lesquelles elle ne saurait exister, ne seront point éphémères non plus ; leur durée sera forcément celle de la religion elle-même. Mais alors par quelle voie ces précieuses fonctions se transmettront-elles ? Seront-elles le partage du premier venu ? Pour se les approprier, suffira-t-il de le vouloir et d’étendre le bras pour s’en emparer ? S’il en était ainsi, si tous avaient le même droit de faire leur proie du ministère ecclésiastique dans la religion chrétienne ; si tous pouvaient, indistinctement et sans appel, pénétrer jusque dans le sanctuaire du nouveau temple, si toutes les mains pouvaient toucher sans sacrilège l’arche sainte de la loi nouvelle, si toute espèce de consécration pour cela était inutile et superflue, à quoi bon les choix et le triage que Jésus-Christ se donna la peine de faire lui-même dans le commencement. Évidemment, il aurait laissé tous ses disciples sur la même ligne et au même niveau ; il ne serait pas allé en tirer douze du milieu d’eux pour en faire une catégorie à part, une classe spéciale, un ordre particulier tellement distinct que désormais ils seront désignés par une appellation propre : Quos et apostolos nominavit, dit l’Écriture. Et puis, aux termes dont le fils de Dieu fait précéder ses dons quand il dit, par exemple : Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie ; recevez le saint Esprit ; les pêchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, etc. ; ou bien : Toute puissance m’a été donnée sur la terre et dans le ciel ; allez donc enseignez et baptisez toutes les nations, qui serait assez aveugle pour ne pas voir que le but du Maître est d’organiser des pouvoirs ? Mais que signifierait une organisation qui serait sans hiérarchie, sans classement, sans supériorité ni infériorité et par suite, sans limite et sans barrière dressées contre les empiétements d’en bas, en un mot, sans organisation où tout le monde serait en possession de la même dignité, bien loin de porter le cachet de l’intelligence divine, elle n’offrirait que l’aspect d’une sorte d’affligeant pêle-mêle, elle ressemblerait à une mauvaise machine dont les rouages désordonnés n’auraient ni place fixe ni destination propre, et fonctionneraient au hasard et sans règle. Aussi tel n’est point l’état de choses que Jésus-Christ a conçu et qu’il a réalisé. Lorsqu’il a fondé son Église, il a voulu que les dons et les pouvoirs qu’il lui confiait, se transmettent par une filière déterminée et par un canal régulier ; il a voulu que ses apôtres en fussent les premiers dispensateurs. J’en atteste tous les passages où ces apôtres sont considérés comme les fondements de l’Église, j’en atteste ces lignes de Saint Paul aux Éphésiens : « Vous êtes un édifice qui a les apôtres pour fondement : Ædificati super fundamentum apostolorum » ; j’en atteste surtout ce passage où Saint Jean, au livre de ses révélations, traçant son beau tableau de la cité sainte qui est l’Église de Dieu, dit que « Son rempart a douze fondements sur lesquels sont inscrits les douze noms des apôtres de l’Agneau ; Murus civitatis habens fondamenta duodecim et in ipsis duodecim nomina apostolorum Agni ». Textes qui tous démontrent clairement que l’Église repose sur les apôtres comme une maison sur sa base, et que nul ne peut avoir son point de départ et sa racine en Jésus-Christ sans passer par eux. Je pourrais également en attester ici la tradition même des premiers siècles qui comme nous le verrons tout à l’heure, renferme les témoignages les plus capables de confirmer cette vérité, si elle avait besoin encore d’être corroborée. Donc un point désormais bien acquis, c’est que s’il fallait procéder et descendre d’Aaron pour appartenir au sacerdoce judaïque, il n’est pas moins indispensable de procéder et de descendre des apôtres pour appartenir à la partie enseignante et dirigeante de la véritable Église, ou bien en d’autres termes, pour appartenir au sacerdoce et à l’apostolat chrétien . Quand nous en resterions là, nous aurions suffisamment prouvé que la véritable Église doit être apostolique. Mais nous voulons aller plus loin encore, nous voulons faire voir que de toutes les notes qui ne conviennent qu’à l’Église de Jésus-Christ, et qui la distinguent et la spécialisent le mieux, l’apostolicité est peut-être la plus frappante. Poursuivons donc notre démonstration. Nous avons dit que nul ne pouvait faire partie du corps enseignant et dirigeant de l’Église, s’il ne descendait des apôtres, et s’il n’y avait entre eux et lui une filiation réelle. Cela posé, voici notre raisonnement : C’est une loi générale que celui qui émane d’un autre par voie de filiation doit reproduire dans sa personne les propriétés fondamentales qui constituent l’ordre, l’espèce d’êtres à laquelle cet autre appartient ; donc, tous ceux qui descendront réellement des apôtres et qui seront destinés à les continuer ici-bas par voie de filiation, seront tenus de posséder les éléments constitutifs qui caractérisaient l’homme apostolique dans chacun de ceux que Jésus-Christ avait appelés auprès de lui pour poursuivre l’œuvre de sa mission. Ce principe n’est point contestable. Or, quelles étaient les propriétés essentielles, les prérogatives fondamentales qui faisaient de Pierre, de Jean, de Simon, etc., autant d’apôtres ? Elles se réduisent à trois : l’ordination, la garde infaillible de la révélation, et la juridiction. Oui, être tiré du milieu des autres hommes pour former un ordre supérieur et à part, non point par suite d’un choix vulgaire et sans portée, mais en vertu d’un rite consécrateur, et sous l’action de l’insufflation divine ; puis être préposé, d’une manière spéciale et par un appel régulier et formel, à la garde de la doctrine ; puis enfin avoir entendu prononcer sur sa tête le Euntes ergo docete qui communique la mission, voilà l’homme apostolique dans ce qu’il y a d’essentiel, de radical et de permanent. Il ne saurait exister à aucune autre condition. Dès lors quiconque veut se donner pour être le continuateur des Apôtres doit nécessairement produire des titres de ce triple privilège. Un seul viendrait à manquer que ce serait assez pour nous empêcher d’obtenir ou même pour nous faire perdre le droit de nous substituer à eux et de prendre leur rôle. Qu’on ne me parle donc point de la doctrine, quand l’ordination et la juridiction sont absentes, ni de l’ordination et de la juridiction, quand la doctrine est mutilée. 157 Dans un cas comme dans l’autre, on n’est plus la personnification suffisante des Apôtres et partant plus leur héritier. Sans doute ce n’est point là la manière de voir de nos modernes réformateurs. Dépourvus qu’ils sont du caractère que l’ordination transmet et du droit que confère la juridiction, mais brûlant néanmoins du désir de se faire accepter comme de nouveaux envoyés du Christ, ils prétendent que ces deux titres ne sont que des formalités surannées et stériles. A les entendre, il ne faut ni rite initiateur, ni consécration pour entrer dans la carrière de l’apostolat. C’est la science seule à en ouvrir les portes. Selon eux, quiconque sait est toujours appelé à succéder aux apôtres ; ils n’invoquent pas d’autre autorité pour justifier leur sacrilège évangélisation, s’il m’est permis de parler leur langue. Ce n’est pas que, sur ce dernier point, c’est à dire sur le chapitre de la doctrine, ils soient moins en défaut que sur les deux précédents. Hélas ! Quand on les étudie d’un peu près, il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir qu’ils n’ont conservé de la science divine que quelques rares lambeaux que chaque jour encore ils déchirent davantage. Ils ont beau soutenir qu’ils prennent leur point de départ dans l’Évangile ; à leurs théories plus qu’étranges, aux applications immorales qu’ils veulent en faire, on sent de suite l’absence à peu près totale de la sainte doctrine de Jésus-Christ. Car s’il est vrai que les fruits révèlent la qualité de l’arbre qui les porte, il est clair que ceux dont nous parlons, ne sauraient être les siens. Mais la chicane étant presque toujours possible sur ce terrain, ils sont forts aisés d’y concentrer la discussion. Cette tactique et ces prétentions ne sont pas nouvelles ; ce sont celles des hérétiques de tous les temps. Mais pour être anciennes, elles n’en sont pas plus légitimes. S’il suffisait d’alléguer sa science pour être autorisé à se donner comme un apôtre nouveau et le représentant des anciens, encore une fois, que deviendrait l’Église, sinon le règne de la confusion et une autre Babel ? Aussi ce que le bon sens et la logique proscrivent, la tradition de tous les siècles le pose également. Dès les premiers jours de l’Église, qu’est ce qu’il fallait pour être admis ou conservé sur les cadres d’activité de l’apostolat chrétien ? Il fallait qu’à la pureté de la doctrine on joignit toujours le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction ; et celui qui ne remplissait point ces trois conditions, était à l’instant repoussé comme un intrus ou un novateur sacrilège. Voici déjà comment s’exprimait Saint Irénée, lui dont le témoignage est ici d’un si grand poids, tant à cause de ses liaisons intimes avec les disciples immédiats des apôtres, qu’à cause de l’objet même de son grand ouvrage qui, étant une réfutation directe des hérésies de son temps, l’avait mis à même d’étudier plus profondément la constitution de l’Église et ses caractères. « La connaissance, disait-il, de la doctrine apostolique, de l’antiquité de l’Église, du caractère du corps de Jésus-Christ, est dans la succession des Évêques à qui les apôtres dans chaque pays l’ont transmise, et qui est parvenue sans fiction jusqu’à nous. Où sont les grâces du Seigneur, c’est là qu’il faut apprendre la vérité, c’est à dire, auprès de ceux en qui se trouve la succession ecclésiastique des apôtres et avec elle la parole saine, irréprochable et incorruptible. C’est par cet ordre et cette succession que la tradition qui est dans l’Église depuis les apôtres, et la préconisation de la vérité arrive jusqu’à nous ; et c’est aussi là la marque certaine que nous avons la même foi vivifiante qui s’est conservée et qui a été véritablement transmise dans les églises jusqu’à présent... Il faut écouter ceux des évêques qui sont dans l’Église, qui ont la succession depuis les apôtres, et qui, avec cette succession d’épiscopat ont reçu certainement, d’après la volonté de Dieu, la grâce de la vérité. Quant aux autres qui se séparent de la succession principale, on doit les tenir pour suspects ou comme hérétiques et de doctrine dépravée ; ou comme schismatiques pleins d’orgueil et de complaisance pour eux-mêmes ; ou comme hypocrites agissant dans la vue du gain et de la vaine gloire.Tous ceux-là se sont écartés de la vérité. La tradition des apôtres, manifestée dans tout le monde, est facile à connaître dans toutes les Églises, par quiconque a le désir de voir la vérité. Nous pouvons compter ceux que les apôtres ont institués Évêques et leurs successeurs jusqu’à nous. Mais comme il serait trop long de rapporter, dans cet ouvrage, toutes les successions des diverses Églises, prenons cette grande, antique et célèbre Église fondée à Rome par les glorieux apôtres Pierre et Paul. En montrant la tradition qu’elle tient des Apôtres et la foi annoncée à tous les hommes, et parvenue jusqu’à nous par la succession des Évêques, nous confondons tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, par complaisance coupable pour eux-mêmes ou par vaine gloire, ou par aveuglement et perversité d’opinion, amassent où ils ne doivent pas ( Contre les hérétiques . Livre 3, ch. 3. ; Livre 4, ch. 20, 26, 33). Tertullien défend la même doctrine avec son énergie ordinaire ; écoutez ses remarquables paroles : « Les Apôtres fondèrent dans chaque ville des églises. De là les autres églises ont tiré la communication de la foi et les semences de la doctrine, et elles les en tirent tous les jours. C’est pour cela qu’elles sont réputées catholiques comme étant la descendance des églises apostoliques, toute race participant à la nature de son origine. Puis plus loin il dit : « Voici la prescription que j’établis ; ce que les Apôtres ont prêché, ce que Jésus-Christ leur avait révélé, il n’est pas nécessaire de le prouver autrement que par ces mêmes Églises que les apôtres ont fondées en y prêchant d’abord de vive voix, et ensuite par écrit... Si quelques hérésies osent se rapporter au temps apostolique pour paraître transmises par les apôtres, prétendant qu’elles ont existé sous eux, nous pouvons leur dire qu’elles produisent donc l’origine de leurs églises, qu’elles déploient l’ordre de leurs évêques descendant par une succession continue, de manière que leurs premiers évêques aient, pour auteur ou pour prédécesseur, un des apôtres ou des hommes apostoliques qui ont vécu avec eux. Car c’est ainsi que les églises apostoliques établissent leur filiation ; vous donc, conclut-il, qui voulez, sur l’affaire de votre salut, satisfaire une curiosité légitime, parcourez les églises apostoliques dans lesquelles président encore les chaires des apôtres aux lieux qu’ils occupaient, dans lesquelles on récite encore leurs lettres authentiques qui rappellent leurs voix et représentent leurs personnes. Êtes-vous voisin de l’Achaïe ? Vous avez Corinthe. Si vous n’êtes pas éloigné de la Macédoine, vous avez Thessalonique, vous avez Philipe. Si vous allez en Asie, vous avez Éphèse. Si vous êtes prés de l’Italie, vous avez Rome dont l’autorité est prés de nous...on peut dire avec raison à tous les hérétiques : qui êtes-vous ? Quand et d’où êtes-vous venus ? Que faites-vous dans mon bien, vous qui n’êtes pas à moi ? De quel droit, Marcion, coupez-vous ma forêt ? Qui vous a permis, Valentin, de troubler ma source ? Par quelle autorité, Appelles, ébranlez-vous mes limites ; la possession est à moi, je possède anciennement, je possède le premier. Je tire mon origine indubitable des auteurs à qui la chose appartient ; je suis l’héritier des apôtres. » 157 Même témoignages de la part de saint Clément d’Alexandrie et d’Origène ; mais hâtons nous d’arriver au passage suivant de saint Cyprien ; « Novatien n’est point évêque et ne peut être regardé comme tel, lui qui, au mépris de la tradition évangélique et apostolique, ne succédant à personne, est né de lui-même. Peut-il être tenu pour pasteur, celui qui, pendant qu’il existe un pasteur véritable présidant dans l’Église en vertu d’une ordination divine et d’une succession légitime, ne succède lui-même à personne, commence par lui, et se montre ainsi l’ennemi de la paix du Seigneur et de l’unité divine ? » À ces noms nous pourrions encore ajouter ceux de saint Épiphane, de saint Optat, de saint Augustin et d’une foule d’autres docteurs ; mais à quoi bon ces citations multiples ? De tout ce que nous avons dit jusqu’ici, il résulte trois points frappants d’évidence : 1°) Que les apôtres sont les chefs du corps enseignant et de l’apostolat chrétien ; 2°) que pour continuer leur oeuvre, il faut de toute nécessité descendre et procéder d’eux ; 3°) que cette descendance ou cette filiation spirituelle, sous peine d’être insuffisante et bâtarde, doit à son tour consister essentiellement dans trois choses ; d’abord dans l’ordination qui donne le rang, la dignité, le caractère apostolique, et imprime dans l’âme de celui qui la reçoit la même marque distinctive que dans l’âme de l’apôtre ; en second lieu, dans la juridiction (*) ou la mission qui seule donne le droit de remplacer les apôtres, d’aller s’asseoir sur leurs chaires et d’exercer leur rôle, et sans laquelle le pouvoir radical de leur succéder, conféré par l’ordination resterait enchaîné dans les mains de celui qui en serait dépositaire ; et enfin dans la garde et l’enseignement fidèles de la doctrine du Sauveur, nul ne devant rester au nombre des représentants et des continuateurs des apôtres, quand il travaille à démolir ou à altérer leur ouvrage. (*) La juridiction soit à l’état que j’appellerai rudimentaire, comme cette prérogative existe dans le clergé inférieur, soit à l’état de plénitude et de développement complet, comme elle se trouve dans les membres du corps épiscopal. (Précision apportée par le traducteur dans sa préface page XXIII). Puis, par une conséquence ultérieure, il résulte encore de ce qui précède que la proposition que nous avons avancée en commençant : à savoir que l’apostolicité n’est pas seulement une propriété essentielle de la véritable église, mais une de ses notes les plus positives et les plus brillantes, se trouve parfaitement justifiée. Et, en effet, si l’essence de l’apostolicité est telle que nous l’avons définie, et il est impossible qu’elle ne le soit pas, il s’ensuit forcément que partout où l’apostolicité devra déployer son étendard, l’Église y aura aussi planté sa tente. Autrement il faudrait dire qu’on peut sortir de la véritable Église en restant enté sur les apôtres, en étant leur continuateur fidèle, en conservant l’ordination apostolique, la mission apostolique et la pureté apostolique de la doctrine, ce qui est absurde. 157 Que si nous promenons maintenant nos regards sur les sociétés religieuses qui peuplent ce globe pour y chercher celle qui possède la véritable apostolicité, que remarquons-nous ? Nous serons obligés de convenir que la même Église dans laquelle nous avons trouvé les principes de l’unité la plus puissante et la plus compacte, les phénomènes de la sainteté la plus éclatante, les éléments de la catholicité la plus expansible à la fois et la plus étendue, est aussi celle qui nous offre le spectacle de l’apostolicité la plus incontestable. En effet, tandis que les sociétés chrétiennes dissidentes, soient grecques, soient protestantes, soient anglicanes ou autres, n’ont commencé à se dessiner avec un peu d’éclat dans le monde que bien postérieurement aux apôtres ; tandis qu’elles ont dû, toutes leur origine ? à une révolution qui tendait à renverser quelque point capital des symboles antérieurs, et qu’en altérant ainsi la pureté de la foi, ou bien en déplaçant et en corrompant les antiques sources de la juridiction légitime, ou enfin en dédaignant et en foulant aux pieds, comme la plus vaine des superfluités, le rite consécrateur de l’ordination, elles ont perdu par là même les trois caractères essentiels qui constituent la vraie filiation apostolique ; tandis que toutes méritent le reproche que l’auteur des prescriptions adressait déjà aux hérétiques de son temps, et qu’à toutes on peut demander, comme lui aux Marcion et aux Valentin, d’où elles viennent et où elles étaient avant Photius et Michel Cerularius, Luther, Calvin, et Henri VIII, il en est une au contraire qui n’a ni ces vices ni ces tâches, c’est la grande société chrétienne qui se désigne partout sous le nom de catholique. A côté d’un grand nombre de sièges sur lesquels on a vu s’asseoir une suite non interrompue d’Évêques depuis la naissance de l’Église pour ainsi dire jusqu’à nous, elle en a un surtout, dont elle peut exalter l’apostolicité avec orgueil aux yeux du monde entier. Déjà le lecteur me prévient et nomme le siège de Rome. Depuis dix huit cent ans que ce siège existe, il n’a subi ni lacune ni changement radical. Tous les pontifes qui l’ont occupé, y sont arrivés par la voie de la même consécration ; ils ont hérité des mêmes pouvoirs et fait entendre les mêmes enseignements ; c’est une unité qui ne varie sous aucun rapport ni pour l’ordination, ni pour la juridiction, ni pour la doctrine. Et puis dans leur succession les pontifes forment une chaîne qui ne connaît point de solution de continuité. Toutes les fois que la mort la fait tomber de la dernière main qui la tient, vite et aussitôt que la chose est moralement possible, il se trouve une autre main consacrée pour la ramasser et l’allonger d’un pas. Ainsi, aujourd’hui elle court de saint Pierre qui en tient une extrémité, jusqu’à Pie IX qui tient l’autre et sans interruption. La vérification est facile à faire : tous les anneaux peuvent se compter, on en sait même les noms et jusqu’à l’espace qu’ils occupent dans la série. Chaîne et succession qui feront toujours l’admiration de tous les vrais penseurs, et qui arrachèrent à Hurter, protestant, écrivant la vie d’Innocent III, ces mémorables paroles : « En portant nos regards en arrière et en avant sur la suite des siècles, en voyant comment l’institution de la papauté a survécu à toutes les institutions de l’Europe, comment elle a vu naître et périr tous les états, comment dans la métamorphose infinie des choses humaines, elle a seule conservé invariablement le même esprit, devons-nous nous étonner si beaucoup d’hommes la regardent comme le rocher dont la tête immobile s’élève au-dessus des vagues mugissantes du cours des siècles ? » Ce n’est pas tout. Telle est la constitution de l’Église de Jésus-Christ, que l’apostolicité de l’Église de Rome ne aurait ni se localiser tout entière en elle, ni se borner à elle seule. D’après cette constitution, il faut qu’elle rejaillisse sur toutes les églises particulières qui composent l’Église véritable et qu’elle couvre dans son déploiement la chrétienté toute entière, de manière qu’on puisse dire avec vérité que celle-ci est apostolique, non pas seulement dans l’un de ses sièges mais dans tous. Et en effet, que sont ces églises particulières relativement à l’Église romaine ? Elles en dérivent comme la branche dérive du tronc ; elles vivent de sa vie comme les membres vivent de la vie du cœur ; c’est par elle qu’elles ont été fondées et qu’elles subsistent ; les unes sont les filles et l’autre est la mère. Mais dit Tertullien, dont nous venons de rapporter les paroles un peu plus haut, c’est une loi générale, inflexible que tout être participe des qualités fondamentales de celui qui l’a produit. Si donc l’Église mère est essentiellement apostolique, les églises particulières qu’elle fondera, qui naîtront de son sein, seront apostoliques tout comme elle. Rien au reste de plus aisé à concevoir. Quand l’Église de Rome établit une église particulière, qu’est-ce qui arrive ? C’est-elle qui agit extérieurement, il est vrai ; mais comme elle n’est que la personnification des apôtres, leur organe et leur instrument, au fond ce sont les apôtres qui établissent et par conséquent l’établissement, quoique nouveau, est vraiment apostolique. Résumons-nous, et disons que, s’il est de la dernière évidence que l’apostolicité est une des quatre grandes notes qui distinguent la véritable Église, il est tout aussi manifeste que nulle église fausse ne saurait en discuter la possession à l’Église catholique romaine. voir Abbé Hervé Belmont #156-22 |
Samedi 21 décembre 2024
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